Extrait de Aurore aux doigts de rose

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Version actuelle en date du 1 octobre 2014 à 22:45

Extrait de / Excerpt from : Aurore aux doigts de rose.


— Rien de vous, monsieur, ne saurait me blesser, répondit-elle chaleureusement en levant vers lui ses yeux d'azur.

Il soutint la limpidité de ce regard, mais dès cet instant il connut une angoisse qui ne devait plus le quitter.

— Pourquoi donc me fuyez-vous, lui demanda-t-il en la retenant par le bras, je vous adore, ne le voyez-vous pas ? et je suis impatient de vous voir partager les feux qui me consument.

— Est-ce que cela me fera du mal ? s'inquiéta-t-elle timidement.

— Tant s'en faut, ma belle idole ; après vous avoir arrachée à ce cloître où votre jeunesse dépérit, vous deviendrez ma femme. Je mettrai à vos pieds ma tendresse, mon nom, ma fortune, vous serez chérie, gâtée, dorlotée, notre vie sera un véritable paradis terrestre.

Il l’entoura par la taille et tenta de l'embrasser, mais elle le repoussa comme si des mains de feu l'eussent cruellement brûlée.

— Vous m'avez appelée votre femme ! s'écria-t-elle, vous avez parlé de mariage... mon Dieu ! que va-t-il se passer ?... vous êtes bien le Prince Charmant ?

— Que signifient ces paroles ? demanda Roland, la dévisageant avec stupeur.

— N'avez-vous point épousé Peau d'Ane ?... et réveillé jadis la Belle au Bois dormant de son sommeil séculaire ? Je ne me trompe pas ?

Tout averti qu'il était de la naïve superstition de Mlle de Luzarche, ce discours était trop fabuleux pour l'approfondir. Aussi, il répondit pour abonder dans son sens :

— Vous avez raison, je suis ce héros des Contes de Perrault. L'homme est toujours un Prince Charmant pour la femme qui l'aime.

— Vous ne pouvez concevoir dans quelle angoisse votre récit vient de me plonger. Vraiment, ce monsieur de Voltaire est lui-même un merveilleux enchanteur, allié à quelque puissante fée, pour vous avoir envoyé vers moi afin que les prédictions s'accomplissent. Apprenez, Prince, qu'une bonne fée présida au mystère de ma naissance et me fit don de la beauté. « Elle aura des cheveux d'or, des yeux d'azur, le visage d'un ange et le corps nacré d'une Orientale. »

— Elle ne vous a pas menti, conclut Roland en tentant, pour la deuxième fois, de l'attirer vers lui.

— Hélas ! continua-t-elle, une vieille fée, qu'on croyait depuis longtemps enfermée dans un moulin, ne fut pas priée à cette cérémonie. Elle arriva à son tour et dit pour se venger : — Je ne puis enlever à cette fille les présents de ma sœur, elle restera belle. Mais le Prince qui l'épousera verra sur son ventre une bête aussi fauve que la perruque d'un sacristain.

A ces mots, le chevalier partit d'un immense éclat de rire.

— Ma foi, dit-il, j'en tiens et vous avez la réplique prompte : j'ai voulu vous berner avec « Aurore aux doigts de rose » vous m'avez rendu la pareille avec le poil d'un rat d'église.

Mais la novice ne parut pas partager son hilarité.

— Ne vous moquez point, monsieur, répliqua-t-elle avec le plus grand sérieux du monde, les fées nous écoutent ; rire en leur présence porte malheur.

— Vous n'espérez pas me convaincre qu'une bête fauve monte à l'assaut... de votre ventre !

— Vous êtes incrédule, faut-il que j'arrache ces voiles et que je vous montre l'horrible tache !...

En même temps elle enlevait sa croix, son chapelet, ses insignes et commençait à dégrafer son corsage.

— Que faites-vous ? perdez-vous le sens ? supplia Roland, bouche bée... voulez-vous pousser la plaisanterie au point de vous mettre nue comme Phryné devant l'aréopage ?

Mais Aurore, avec la rapidité de l'éclair, aussi légère qu'une biche aux bois, se précipita dans le petit temple et en ferma soigneusement la porte au nez du Prince Charmant.

— Mademoiselle ! mademoiselle ! cria le chevalier en essayant en vain de pénétrer dans ce réduit...

Mais la serrure résista et rien ne répondit à son appel.

Il resta stupéfait devant la porte et aussi penaud qu'un renard qu'une poule aurait pris.

Vraiment la ruse était bien ourdie ! Il avait été le jouet d'une petite pensionnaire à l'esprit cousu de malice. On ne saurait se débarrasser d'un galant avec plus d'élégance et de moquerie. La farce était bonne et le chevalier n'eût pas manqué d'en rire s’il n'en eût été le dindon.

Mais comment une telle effronterie avait-elle pu germer dans une âme si naïve ? Dangeville avait dû certainement lui prêter une des mille ressources de sa duplicité.

Il en était là de ses amères réflexions lorsque soudain la porte du temple s'ouvrit et Aurore, dépouillée de tous ses voiles, se présenta sur le seuil dans tout l'éclat de sa merveilleuse nudité.

— Comme Phryné ! dit-elle simplement. Examinez mon corps et dites-moi en toute conscience si vous n'y découvrez pas les traces de la fatale prédiction de la méchante fée.

Cloué devant elle par l'admiration de cette vivante statue, le chevalier laissa échapper un cri de surprise. Ses regards embrassaient à la fois des jambes, des cuisses, des bras, une gorge voluptueuse, mais il avait beau écarquiller les yeux, il ne pouvait parvenir à déceler dans ces flancs à la courbe gracieuse et triomphale, sauf dans le duvet naissant d'un blond sensuel, la tache indélébile qu'elle s'efforçait de lui découvrir.



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