Extrait de Physiologie du vice

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Extrait de / Excerpt from : Physiologie du vice.


La folie saphique a été portée si loin dans les maisons publiques qu’il y a nombre d’années on constatait à Saint-Lazare que presque toutes les femmes portaient sur le ventre le nom d’une femme. Ce genre de tatouage a été abandonné depuis.

Il ne faut pas croire que ce soit absolument parce que les tribades constituent des pensionnaires plus tranquilles ou qu’elles-mêmes peuvent ainsi satisfaire un vice personnel que les tenanciers poussent au saphisme. C’est surtout parce que la pantomime du saphisme joue un rôle considérable dans les tableaux vivants offerts à la curiosité des clients, et les femmes qui le pratiquent pour leur propre compte en apportent d’autant plus de savoir-faire dans les exhibitions payées ou bien marqueront moins de répugnance à figurer de telles scènes.

La maison de tolérance est à ce point connue comme un centre spécialement vicieux, que les tribades mondaines et demi-mondaines, les tribades habituelles, occasionnelles et intermittentes, y viennent tout naturellement du même pas délibéré ou furtif que le client mâle. Ces femmes payent leur entrée comme les hommes, les prix varient entre cinq, dix et vingt francs.

D’après les renseignements fournis, la clientèle étrangère serait nombreuse. Chose intéressante à constater, c’est que dans ces maisons où le saphisme de l’homme pour la femme était autrefois le plus fréquent, il est aujourd’hui presque abandonné, le personnel préférant se livrer à cette nouvelle prostitution. Dans ces maisons, le saphisme de la femme par l’homme est des plus rares.

Il existe dans Paris quatre ou cinq maisons où femmes entretenues et femmes du monde viennent souvent le soir, mystérieusement et dans le plus triste incognito, faire leurs dévotions ; si les unes se livrent à plusieurs hommes pendant la nuit, comme de simples pensionnaires, ou font des orgies collectives, d’autres se livrent au saphisme.

Il est curieux de noter que les femmes de maisons publiques si portées au saphisme entre elles montrent quelque répugnance à le pratiquer avec des femmes qu’elles ne connaissent pas. C’est pourquoi, dans certaines grandes maisons, la tenancière a soin de stipuler, en embauchant ses pensionnaires, qu’elles seront aussi pour femmes.

Cette répulsion a son explication en ceci, c’est que ce ne sont pas seulement de jeunes femmes qui viennent à la maison de tolérance se faire saphiser, mais des femmes de cinquante et de soixante-dix ans. Voici ce qui se passe d’ordinaire : on voit venir de temps à autre trois ou quatre vieilles, seules ou accompagnées de leur femme de chambre ; la patronne fait cacher les visiteuses dans un des salons, derrière un paravent, et tout le personnel défile en complet état de nudité. La vieille fait son choix et monte avec deux ou trois filles qu’elle a indiquées. Nulle d’entre celles-ci ne peut savoir qui elle est, sa tête et son visage restent enveloppés d’un voile épais. La tenancière fait payer suffisamment de telles entrées et de tels caprices, chaque pensionnaire reçoit au moins deux ou trois louis, mais elle-même n’en prélève pas moins de cinq.


Toute une catégorie de prostituées libres exploite les vices de la femme et racole effrontément dans les rues, aux bals, aux théâtres, aux courses, aux expositions.

Le saphisme s’exerce alors à domicile ou dans des maisons dites de passe, dans des appartements privés tenus par des proxénètes, dans certaines boutiques de mercerie, de ganterie, de modes, de parfumerie, maroquinerie, où peuvent facilement s’aboucher les tribades par goût ou les professionnelles.

Les tribades ont leurs restaurants spéciaux, leurs brasseries qui leur servent de lieux de rendez-vous, où elles se livrent aux douceurs du loto. Elles sont facilement reconnaissables, elles vivent à deux, s’habillent de même, ne se quittent jamais, si bien qu'on les appelle petites sœurs.

Elles sont d’une jalousie extrême, si une infidélité a pour motif une autre passion ; elles sont tolérantes, mais attristées, si l’infidélité, quel que soit le sexe qui en profite, doit faire vivre le ménage.

On trouve souvent des ménages à trois, où le mari est quantité négligeable : plus d’une drôlesse a des chevaux et des laquais qu’elle doit à une femme du monde !



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